Biathlon année 90. Interview biathlon Hervé FLANDIN. Épisode 1

1er volet de notre saga « les pionniers du biathlon » consacrée aux champions d’hier qui ont tracé la voie pour les générations actuelles. Hervé FLANDIN premier vainqueur d’une coupe du monde de biathlon nous replonge à la fin des années 80, début des années 90, dans ce qui était les prémices de l’éclosion de l’équipe de France de biathlon sur la scène internationale … et sur le petit écran d’Eurosport.

Hervé, peux-tu nous dire comment tu es devenu biathlète de haut niveau et quel a été ton parcours ? 

« Je n’étais pas du tout ambitieux au départ. Je viens du ski alpin et je me suis tourné vers le ski de fond car cela correspondait davantage à mon profil. Le ski de fond me permettait d’aller en pleine nature et lorsque j’ai découvert le biathlon, ça a été pour moi une révélation. J’avais le sentiment de mêler le sport et Davy Crocket :-).
Pour moi le biathlon, c’est le sport idéal, complet. En le pratiquant, j’avais l’impression d’être un aventurier. Je me suis retrouvé à ce niveau un peu malgré moi. Après avoir été sélectionné au comité de Savoie, je suis entré en équipe de France en 1986 je crois. Et c’est exactement le 17 octobre 1986 que j’ai commencé à me projeter dans une vie de sportif de haut niveau. »

Que s’est-il passé ce 17 octobre 1986 ? 

C’est ce jour là que nous avons appris que les Jeux Olympiques d’hiver de 1992 auraient lieu à Albertville. A ce moment, je me souviens bien, j’ai écrit sur un papier : j’ai cinq ans pour devenir champion olympique ! C’est à partir de là que j’ai eu l’impression de vivre un changement dans ma vie de sportif. J’ai eu le sentiment de devenir un sportif professionnel, de passer de la sensation à la méthode. 

Quelle était ta « méthode » d’entrainement à cette période ? 

Le biathlon était un sport confidentiel. Peu à peu, on s’est mis à faire attention à la diététique… De mon côté, j’étais travailleur, j’aimais vraiment m’entraîner. Le biathlon n’est pas un sport ou on peut compenser le tir par le ski ou inversement. Ce sont deux disciplines associées et il faut être à 100% dans chacune d’elle. Le biathlon, c’est être à 200% si on veut avoir une chance de gagner. Certains copains comme Patrice (Patrice Bailly Salins, ancien biathlète de haut niveau) avaient besoin de moins d’heures d’entrainement. Mais Patrice, c’était une bête de course. Moi, j’avais besoin de m’échauffer, beaucoup. Je ne commençais à être rapide qu’après un quart d’heure de course, et les formats de course en biathlon sont relativement courts. La perspective des JO d’Albertville ont changé mon rapport au biathlon. Mon rêve était de devenir champion Olympique.

Quel était ton point fort ? 

Je dirais qu’en apparence, je montrais de l’assurance, mais ça n’était qu’en apparence … car mon tempérament est généralement anxieux. 

Quels étaient les formats de course à l’époque ? 

 En 1992, il n’y avait que l’épreuve individuelle (20km chez les hommes et 15 chez les femmes), le relais (et pas de relais mixtes), et le sprint (10km chez les hommes et 7,5 km chez les femmes). En 1985, lorsque j’ai débuté, les épreuves avaient lieu en style classique (les 2 skis dans un rail). En 1986 le skating est arrivé. J’ai immédiatement adoré le skate (le patinage, la technique adoptée depuis) . C’est aussi à la fin de ma carrière que de nouvelles épreuves sont arrivées, comme les mass start, la poursuite…J’adorais ces confrontations directes.  

Les temples du biathlon ont-ils changé ? 

« Non, les temples du biathlon sont restés les mêmes, des lieux mythiques du circuit de la coupe du monde comme HOLMENKOLLEN (Oslo-Norvège), ANTHOLZ-ANTERSELVA (Tyrol-Italie), NOVÉ MĚSTO (Moravie-Rep.Tchèque), OBERHOF (Thuringe-Allemagne), RUHPOLDING (Bavière-Allemagne)… OSTERSUND (Suède), HOCHFILZEN (Tyrol-Autriche). Le biathlon est très populaire dans ces pays. 

Quel est selon toi le changement le plus probant de ta discipline ? 

L’environnement a énormément évolué mais aussi le cahier des charges pour devenir un site d’accueil d’une coupe du monde. A l’époque, l’espace dédié aux VIP, aux médias…était de 1000m2. Aujourd’hui, c’est 10 000m2. A l’époque, les tribunes pouvaient accueillir 5000 personnes. Aujourd’hui, un site qui organise une épreuve de coupe du monde doit pouvoir accueillir 50 000 spectateurs. L’environnement médiatique a prit une ampleur incroyable c’est génial !
Dans les années 1990, la seule chaine qui diffusait le biathlon était Eurosport. Aujourd’hui, le fait que l’Equipe 21, une chaine accessible à tous, diffuse le biathlon le rend plus accessible et plus populaire. Mais là aussi, le cahier des charges a évolué. A l’époque, une épreuve de coupe du monde devait être couvert par 16 caméras. Aujourd’hui, ce sont plus de 30 caméras qui sont installées et cela nous offre de belles images. 

Ce cahier des charges exigeant explique-t-il le fait que nous n’ayons pas eu d’épreuve en France pendant (trop) longtemps  ?  

Nous avons pris 20 ans de retard en France. Après les JO de 92 à la maison, on aurait pu penser que le site des Saisies allait perdurer et organiser des évènements mondiaux. Le stade était homologué, toutes les conditions étaient réunies. Mais la station des Saisies a fait d’autres choix. Tout cela est aussi très politique. Nous avons construit un stade de biathlon à Bessans, mais les infrastructures, notamment hôtelières, manquent en Haute Maurienne. C’est avec la candidature aux Jeux Olympiques de 2018 d’Annecy que le Grand Bornand a réussi un super coup. Le site est top.
Avec toutes ces années de retard, on avait même perdu la confiance de l’IBU. Nous avions des biathlètes qui tournaient bien et nous n’avions pas de site pour organiser une épreuve et promouvoir la discipline chez nous. 

Y a-t-il d’autres faits marquants qui ont fait évoluer le biathlon ? 

Oui, beaucoup. Quand j’ai débuté le biathlon, il y avait encore la guerre froide, l’Allemagne n’était pas encore réunifiée. Les grandes nations du biathlon étaient la Russie, les deux Allemagnes, surtout l’Allemagne de l’Est, évidemment la Norvège. Puis d’autres nations, un peu moins fortes étaient malgré tout présentes. La Suède, la Finlande, l’Autriche. Nous étions parmi ces nations outsiders

Un autre point marquant est le changement de vie des athlètes. Aujourd’hui, les 15 meilleurs du classement général de la coupe du monde ont deux vies. Celle sur les skis avec la carabine, et celle de chef d’entreprise. Après la course, les biathlètes doivent gérer leur communication, via les réseaux sociaux, les interviews, les liens et photos avec les partenaires, les sponsors. Nous, il y avait la course et ensuite, c’était repos … Sur ce point, les biathlètes actuels ont nettement plus de contraintes que nous en avions. 

Le staff d’encadrement à donc aussi opéré sa mue  ? 

Oui, mais ce n’est pas un point si marquant que cela. A l’époque, on avait déjà un kiné au sein de l’équipe. Il y avait encore le service militaire et notre kiné faisait son service militaire au sein de l’équipe de France de biathlon. Le staff actuel est évidemment plus important mais c’était déjà très satisfaisant à mon époque.

Pouvait-on vivre du biathlon dans les années 90 ? 

La fédération française de ski (FFS) a toujours su s’entourer de bons partenaires. Et l’armée et les Douanes sont des partenaires de choix. Lorsque l’on est athlète de haut niveau au sein de la FFS, on peut signer un contrat avec l’un ou l’autre, ce qui nous donne quelques garanties, notamment la Sécurité sociale, mais aussi un salaire. Moi, j’étais aux Douanes. Leur seule exigence était prendre part au tournoi international de ski des Douanes (France/Allemagne/Italie/Suisse/Autriche). Les conditions de vie étaient satisfaisantes. J’étais heureux de vivre cette vie. 

Quelles étaient les stars du biathlon à cette époque ?

Sur la fin de ma carrière, j’ai couru avec Raphael POIRÉE, mais aussi un certain OLE EINAR BJØRNDALEN mais aussi les allemands Franck-Peter ROETSCH, Franck LUCK, Sven FISHER ou encore le norvégien Eirick KVALFOSS. Personnellement j’ai eu de la chance pendant ma carrière à haut niveau car je n’ai été que très rarement été blessé. 

Et quels étaient tes co-équipiers en équipe de France ?

Il y avait Thierry DUSSERRE, Patrice BAILLY SALINS, Stéphane BOUTHIAUX, Gilles MARGUET, Franck PERROT mais aussi Lionel LAURENT qui est aujourd’hui mon beau-frère

Maintenez vous toujours des liens après toutes ces années de « vies communes » ? 

Oui, nous sommes souvent en contact. D’abord, pour la plupart, nous nous voyons lors de la traditionnelle Assemblée Générale de l’association des Internationaux du ski français qui a d’ailleurs lieu chaque année. Lionel, c’est mon beau-frère alors forcément, on se voit souvent. Mais je vois aussi Stéphane ou Thierry de temps en temps. 

Quelle est ton activité aujourd’hui ? 

J’ai été recruté par l’agence touristique Savoie-Mont-Blanc. Je suis en charge de l’évènementiel autour du sport. Pour faire simple, je suis dans l’équipe qui gère les partenariats avec les organisateurs des évènements importants liés au sport dans les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie. Et ce n’est pas une mince affaire. Notre territoire est incroyablement dynamique à ce niveau. C’est d’ailleurs le seul en France à organiser autant d’évènements de cette envergure été comme hiver.
Par exemple, nous avons organisé en 2001 les championnats du monde de canoë à Bourg St Maurice, mais aussi les mondiaux d’aviron au lac d’Aiguebelette en 1997 et 2015….Sur le mois de décembre 2019, six évènements de renommée mondiale organisés en Savoie-Mont-Blanc…Le critérium de la première neige à Val d’Isère en 2 étapes, Hommes et Dames, une coupe du monde de ski-cross à Val-Thorens, une coupe du monde féminine de ski alpin à Courchevel, la coupe du monde de biathlon à Annecy le Grand-Bornand et une coupe du monde de ski alpinisme à Aussois. L’été , il y aussi le vélo, avec le critérium du Dauphiné, mais aussi le Tour de France. Je t’invite d’ailleurs à devenir ambassadeur pour le territoire Savoie-Mont Blanc. 


Interview menée par Guillaume TROLONG-BAILLY

Palmarès
– 1 victoire en coupe du monde à Canmore (Canada)
– Médaillé de bronze en relais aux Jeux Olympiques de Lillehammer en 1994
– Médaillé d’argent en relais aux Championnats du monde d’Anterselva en 1995
– 11 titres de Champion de France

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