Interview Yannick Aujouannet

Yannick Aujouannet Directeur d’organisation de la coupe du monde de biathlon au Grand Bornand

 

Altitude Biathlon : A quelques jours de l’événement dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Yannick Aujouannet : C’est un mélange de confiance parce que l’on a l’expérience pour organiser ce genre d’événements au Grand Bornand avec Annecy. Nous avons un nombre de volontaires largement suffisant donc tous les feux sont verts aujourd’hui bien que le petit nuage qui nous survole reste les conditions météo, mais bon pour une épreuve en plein air c’est toujours une question que l’on se pose. Cependant la ressource est là le stockage de neige est présent on a le volume nécessaire en cas de manque de neige naturelle (interview réalisé mi-Novembre)

Organiser un tel événement mi-décembre est-ce un choix de votre part ou c’est imposé par l’IBU ?
Alors il y a plusieurs facteurs à cela. Quand on regarde le calendrier de l’IBU, le choix de la date est relativement limité. En gros c’est soit on se positionne en décembre soit en mars, janvier étant consacré aux compétitions historiques Anterselva, Oberhof et Ruhpolding qui sont des dates immuables et puis Février on tombe soit sur des championnats du monde soit sur des JO.
Puis par rapport à l’organisation de notre station où il faut jongler avec les périodes de vacances scolaires mais aussi d’un point de vue logistique, tactique de communication car si on lance une campagne de com. en décembre on peut en profiter et en parler tout l’hiver, alors qu’en mars les gens sont passés à autre chose. Donc en durée de vie de l’événement c’est plus intéressant en décembre qu’en mars. De plus cette année les compétitions ont lieu 2 semaines avant les vacances scolaires et donc on ne perturbe pas la vie de la station et l’on ne dénature pas l’exploitation commerciale car il y aussi des enjeux économiques forts par la suite. Le Grand Bornand vit avant tout du tourisme lié au ski, on ne peut pas « privatiser » la station pour le biathlon » alors qu’il y a d’autres personnes qui voudraient y venir en vacances.

Vous ne postulerez donc jamais pour accueillir les championnats du monde qui tombent comme vous l’avez dit en pleines vacances de février ?
Il faut rester cohérent et modeste par rapport à ça. Accueillir un championnat du monde de biathlon c’est, en dehors du fait que le stade Sylvie BECAERT qui répond parfaitement aux normes exigées, des contraintes en terme d’hébergement, d’effectifs et de communication qui sont autrement plus importantes. Aujourd’hui on n’est pas dimensionné pour accueillir ce genre d’événement, je ne dis pas que dans l’avenir d’ici 10 ou 15 ans on ne sera pas capables de le faire mais aujourd’hui ce n’est pas notre objectif. Les mondiaux c’est 15j on ne peut pas se mettre entre parenthèse pour un tel événement vu les contraintes des
stations de ski françaises que l’on connaît à cette période.

Parmi les autres coupes du monde qui figurent au calendrier quelle est celle qui vous inspire le plus dans votre démarche de proposer une coupe du monde récurrente au Grand Bornand ?
Tous les sites ont une particularité, le nôtre étant de proposer un circuit en plein centre du
village, , mais le modèle le plus en rapport avec notre esprit et notre propre capacité à réaliser notre coupe du monde c’est clairement Antholz. L’environnement montagneux, très alpin mais aussi agricole et puis ce côté festif qui ressort plus qu’ailleurs c’est ce qui m’a le plus plu.

Avec le succès dans la vente des billets n’avez-vous pas imaginé d’agrandir la capacité d’accueil des spectateurs en permettant notamment à plus de monde de venir assister aux épreuve car il n’y a pas de monde spectateurs sans billets ?
Comme je viens de le dire nous sommes situés en plein centre du village et non pas en fond de vallée comme Oberhof par ex, ce qui veut dire que l’on a des contraintes d’urbanisme avec des terrains qui ne sont pas complètement ouverts et extensibles. En plus de ça nous avons un circuit très compact et sans grandes lignes droites où les gens peuvent se masser de façon importante (depuis cet interview des zones ont été ouvertes et un grand nombre de billets remis à la vente en zone debout le long du parcours). Ce circuit est un vrai tortillard donc pas beaucoup de mètres linéaires pour amasser plus de personnes. Si l’on avait les infrastructures nécessaires pour accueillir 25 000 personnes on le ferait. Organiser un événement en France nécessite de respecter des règles strictes de secours de voie d’accès …. On ne peut pas se comparer avec d’autres sites comme à Ruhploding ou Antholz où les gens sont les uns sur les autres, en France ça ne marche pas comme ça, se marcher les uns sur les autres ne colle pas avec la culture française, on ne supporte pas ça 

Est ce que cela impacte le prix des billets de limiter le nombre de spectateurs ?
Nous sommes moins chers que les épreuves comme Oberhof, Ruhpolding, Anterselva. Notre grille tarifaire n’a pas été faite pour viser une recette mais plutôt se mettre dans le moule de ce qui est dans les standards. Entre le tout gratuit de La Clusaz et puis les tarifs « exorbitants » on se situe dans la moyenne de ce qui se fait sur la majorité des épreuves. A Antholz une place en tribune en semaine coûte 45€ et 60€ le week-end ; nous nous sommes à 48€ le week-end avec une tribune qui est mieux placée !! Il faut tout comparer. Bien sûr sur les réseaux sociaux et les forums tout le monde y va de bon cœur et donner un avis sur les réseaux sociaux sur un tarif c’est toujours trop chèr de toutes façons. Après la coupe du monde il faudra récolter les avis sur la qualité de spectacle et on y verra plus clair. Aujourd’hui vous allez à un concert de musique vous en avez pour minimum 50€ et vous n’irez pas voir une star à ce prix-là. Au Grand Bornand vous viendrez admirer les meilleurs athlètes mondiaux. Le prix des infrastructures est très coûteux alors qu’une salle de spectacle existe déjà. Je vous prends l’exemple des vielles canailles (Eddy Mitchel, Jacques Dutronc, Johnny Hallyday) où je n’ai trouvé que des billets à 200€ pour vous retrouver au fin fond de la salle où vous n’y voyez quedal et on peut pas dire que c’est ce sont les Rollings stones !!
Nous nous n’aurons que les Rolling Stones du biathlon sur le stade et les gens payeront maximum 48 €, tout est relatif à mon avis. Si on revient sur l’aspect purement sportif, la grosse différence entre une compétition de ski, c’est qu’on a une notion de stade avec un stand de tir donc dans une enceinte sportive. Si vous vous rendez dans un stade de foot vous payerez plus de 50€ votre place pour un match majeur de ligue 1. C’est un équilibre à trouver même si cela restera toujours trop chèr pour certaines personnes.

La grand popularité du biathlon en France avec une équipe de France forte de ses bons résultats avec son chef de file Martin Fourcade va donner une plus grande caisse de résonnance à l’international et auprès des médias ? Ressentez-vous déjà ses effets ? Et est-ce une pression supplémentaire ?
Nous avions déjà ressenti cette appétence des médias en 2013 lors de la coupe du monde que nous avions déjà organisée. Il est évident que dans le contexte d’une saison olympique tout le monde tient à se jauger à 2 mois du jour J. De notre côté le drapeau bleu blanc rouge est très bien représenté et l’attraction pour cette équipe est importante. En 2013 notre objectif était d’attirer le monde dans notre stade, mais cette année c’est sûr que nous n’avons pas eu à forcer la dose sur la com. Nous avions réussi notre entrée en lice comme épreuve de coupe du monde en espérant que cela soit encore le cas cette année. De notre côté tous les feux sont au vert on est prêts et on sait faire, y’a plus qu’à comme on dit. Le but de cette opération je le rappelle c’est que les biathlètes soient dans les meilleures conditions pour atteindre leur objectif et c’est aussi pour mettre encore plus en avant ce
sport malgré tout encore méconnu. Nous sommes d’abord des passionnés et on a envie que ce sport se développe davantage.

Est-ce un sport que vous avez pratiqué vous-même ?
Alors pas du tout, je viens de l’aviron. Je suis aussi moniteur de ski nordique et j’adore ce sport et je peux vous dire que pour organiser cet événement il faut vraiment l’aimer parce que vu le temps et l’énergie que l’on y passe, c’est la passion qui nous donne l’énergie nécessaire.

C’est un travail qui vous occupe toute l’année ?
Non pas toute l’année mais comme nous avons posé une candidature pour une épreuve tous les 2 ans, c’est quelque chose qui va prendre plus de temps dans ma charge de travail c’est sûr. Depuis 2013 le dossier n’a jamais été lâché et 2014 et 2015 ont été consacrées à de l’animation de réseaux, de l’actualisation des compétence et du savoir-faire mais depuis 2 ans maintenant c’est un travail quotidien

Et dans le cas où l’événement ne peut se faire comme en 2011 quelles en seraient les conséquences ?
Nous avons mis en place ce fameux stockage de neige pour limiter encore plus les risques mais personne n’est à l’abri pas même en janvier, aucun organisateur n’est tranquille de ce côté-là

Est-ce que l’avenir du biathlon ne vas pas finalement se jouer dans les stades ?
Je n’espère pas  ! les shows d’exhibitions existent. Bien que le spectacle se fasse beaucoup sur le stand de tir c’est avant tout un sport de pleine nature et c’est ce qui fait sa force justement, voir évoluer des skieurs dans des paysages un peu particuliers quand même, ce serai dommage d’en arriver là. Le circuit de coupe du monde de biathlon c’est un peu le Tour de France à l’échelle internationale, si vous enlevez les belles montagnes, les forêts, les tremplins de ski, vous enlevez ces particularités vous enlevez un gros intérêt pour le biathlon. Dans un stade je ne suis pas sûr que cela produise le même effet.

Comment êtes-vous soutenu dans l’organisation de cette coupe du monde ?
Le CNDS centre national de développement du sport nous a largement aidé dans la construction du stade, la région le département Savoie Mont Blanc nous soutiennent sur le fonctionnement aussi, nous n’avons pas de souci de ce côté-là, on est bien servis. Beaucoup de personnes aiment et soutiennent ce sport qui est porteur de valeur.

Je donne rendez vous au Grand Bornand et on espère qu’on qu’il y aura des français sur le podium