Biathlon année 90. Interview véronique CLAUDEL. Épisode 5

5ème volet de notre saga « les pionniers du biathlon ». Véronique Claudel a été un maillon fort de l’équipe de France de biathlon et une pièce maîtresse dans les relais, auréolée d’une victoire historique aux JO d’Albertville en 1992 avec Corinne NIOGRET et Anne BRIAND. Aujourd’hui monitrice de ski dans ses Vosges natales elle continue à transmettre son savoir à sa fille qui a pris … le relais :). Quand on est passionné pour le ski nordique et le biathlon c’est pour la vie.

Bonjour Véronique, tout d’abord pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis originaire de la Bresse, les Vosges, ski club La Bresse Haute. Je suis arrivée en équipe de France en junior dans l’équipe de fond jusqu’en 1985 et puis j’ai bifurqué rapidement en biathlon durant l’hiver 1986.

Continuez-vous toujours à suivre les compétitions de biathlon ?

Oui un petit peu, l’ hiver je suis à l’école de ski, je continue bien sûr à suivre car mes enfants pratiquent aussi le biathlon.

Pour vous aujourd’hui, quels sont les évolutions techniques les plus marquantes apportées au biathlon ?

Je trouve que c’est un peu dans tous les domaines. On s’aperçoit que le gros du travail a été fait depuis notre génération et celle d’avant aussi. Là, le plus flagrant, c’est au niveau des carabines, avec des réglages beaucoup plus précis, des pas de tir beaucoup plus plats, ce qui permet un tir beaucoup plus propre, moins instinctif, mais tout aussi joli. En ski, c’est pareil, à peine plus court, un cadre peut être un peu plus solide et des matériaux qui évoluent. Il n’y a pas de révolution énorme, cela s’est fait petit à petit. On s’aperçoit que cela s’améliore de saison en saison, il y a de la recherche, c’est un milieu qui bouge, qui est en constante évolution.

Pensez vous qu’avec toutes ces avancées technologiques, si vous aviez disposé de ces moyens à votre époque, cela aurait-t’il influencé vos résultats en général ?

Oui sûrement, mais nous avions aussi par rapport aux autres nations des avancées, nous n’étions pas en retard, mais c’est sûr que de courir avec les moyens de maintenant il y a 20 ans, on aurait mieux tiré, nous serions allés plus vite en skis. Mais à notre époque, nous n’étions pas en retard, je pense même que nous étions en avance sur certaines nations.

Aujourd’hui, êtes-vous en admiration pour une nation ou des biathlètes en particulier ?

Les Français, parce qu’ils font de super résultats, ils nous étonnent tout le temps avec des moyens qui n’ont pas évolué. Je ne pense pas qu’ils aient beaucoup plus de moyens que nous. Ils sont épatants, ils continuent de truster les podiums.

L’équipe de France faisait-elle partie des plus grandes nations. Durant votre carrière quelles étaient les pays qui dominaient le biathlon mondial ?

Oui, avec les Norvégiennes et les Allemandes. Chez les hommes cela dépendait, il y avait les Italiens, les Norvégiens, cela tournait. On va dire qu’il y avait 4 ou 5 nations fortes. Les Russes, les Norvégiens, les Italiens, les Allemands…et les Français.

Le 14 février 1992 restera une date historique pour le biathlon français, avec votre titre olympique sur le relais. Vous souvenez-vous des sentiments qui vous ont traversée au moment où Anne a fait tomber la dernière palette sur le pas de tir ?

Oulala…j’ai compris tout de suite qu’on avait gagné, sauf accident ! Ce qui n’était pas le cas pour ceux qui ne connaissaient pas bien le biathlon. À ce moment précis, on se dit que l’on a réussi, on sait que derrière il va y avoir plein de choses. Que ce n’est pas une course « normale », même si nous, nous l’avions considérée comme telle en amont. On l’avait fait quinze jours avant, gagnant une épreuve de coupe du monde, là ce n’était qu’une nouvelle victoire, mais quand ce sont les Jeux, ce n’est pas pareil, il y a l’impact médiatique, tout va plus vite, pas autant que maintenant certes, car on n’avait pas de réseaux sociaux. On savait qu’il y aurait des retombées, mais par manque d’expérience nous n’avions pas mesuré. On a tout pris au pied de la lettre. C’est une fois rentrées à la maison au printemps, qu’on a réalisé, car juste après les Jeux nous sommes reparties sur la coupe du monde. Aujourd’hui encore l’impact d’une médaille d’or doit être autrement différent.

Ce titre olympique, vous l’auriez échangé contre un gros globe de cristal ?

Je ne sais pas, ce n’est pas la même saveur, ce n’est pas la même chose. Un globe de cristal c’est sur une saison, une médaille c’est sur un tout petit moment. Après réflexion non, moi je ne l’aurais pas changé parce que quand on est sportif, on rêve tous d’une médaille olympique, tous ceux qui ont le virus de la compétition, pour nous sportifs les Jeux c’est le summum, la coupe du monde c’est bien, mais ce n’est pas du tout comparable.

Qu’est ce que ce titre olympique a changé dans votre vie au quotidien ?

Je ne suis plus la même personne, même maintenant, comme je suis toujours dans le milieu du biathlon, quand j’enseigne le ski l’hiver, les gens veulent faire une photo avec moi, mais le moniteur à côté, qui est aussi compétent que moi, lui n’a pas sa photo ! C’est une reconnaissance, on est quelqu’un d’autre que la personne « physique » on représente une valeur sportive. 

Après ce titre, vous a-t-on sollicité pour intégrer l’encadrement de l’équipe de France ?

Non, ce n’est pas un poste pour les filles, moi je n’aurai pas voulu ! Celles qui ont essayé se sont cassé les dents, il faut encore du temps pour qu’une fille prenne une fonction dans une fédération. Et puis quand j’ai arrêté la compétition, je voulais quitter le milieu, j’avais assez donné, je voulais voir autre chose. Je ne voulais plus repartir le sac toujours fait… 

Avec l’ensemble des résultats de la nouvelle génération, que pensez vous de ce fort engouement autour du biathlon ?

C’est bien dans un sens, parce que je le vis au quotidien. Les gens qui viennent à l ‘école de ski ce sont des personnes qui suivent le biathlon aujourd’hui à la télévision. Cela a fait un bien énorme à notre sport. Commercialement et économiquement c’est très intéressant aussi.
Après je pense que pour les biathlètes aujourd’hui c’est aussi une lourde charge, sont-ils capables d’endurer tout ce qu’ils vivent là ? Au niveau médiatique, je ne sais pas ! Ce doit être fatigant au quotidien d’être sans cesse reconnu. C’est un sport tellement difficile, il faut une grande force de caractère et nous sommes obligés d’être humble, car tu peux être devant un jour et le lendemain tu sors 2 balles et tu te retrouves 30ème…Il faut espérer que cela continue si on a encore un peu de moyens. Il est de notre rôle aussi d’essayer de sensibiliser les gens pour que les futures générations puissent encore s’exprimer dans ce sport. C’est toujours un pari.

PALMARÈS

Championne olympique de relais 1992
4 podiums individuels : 3 deuxièmes places et 1 troisième place.
6 victoires en relais.
12 fois championne de France

Merci à Mickaël GODIN pour avoir réalisé cet interview et à Claude DORANGE pour la relecture avisée

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