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Interview biathlon Sandrine Bailly
Altitude biathlon : Pouvez-vous me présenter votre parcours ? À quel âge avez-vous débuté le ski de fond, puis le biathlon ? Entrée en équipe de France ? Puis parcours en équipe de France ?
Sandrine Bailly : J’ai débuté le ski de fond dès que j’ai pu tenir dessus, vers 3/4ans. Mon père était fondeur et c’est donc tout naturellement que j’ai intégré le club de ski du Valromey retord….De là, entrainements, puis compétitions ce sont succédés…. J’ai intégré la section sportive au lycée à Nantua où j’ai rencontré Pascal Etienne. J’ai essayé le tir et durant une courte période, j’ai associé biathlon et fond spécial, pour faire un choix et me tourner exclusivement vers le biathlon.
Ensuite, j’ai eu la chance d’être présente au moment où la fédération française de ski constituait un gros groupe « junior » en équipe de France avec Christophe Vassalo aux manettes. J’ai commencé par des coupes d’Europe (IBU cup) tout en menant de front ma scolarité au lycée.
Après avoir rempli les critères pour monter en Coupe du monde, j’ai rejoins le circuit à 20 ans, ainsi que l’équipe de France militaire de ski. Puis j’ai gagné ma première coupe du monde à 21 ans et tout s’est enchainé de façon progressive pendant ces 10 années passées en coupe du Monde.
Vous êtes multimédaillée, aux J.O en relais (à Turin comme à Vancouver) mais aussi en Coupe du Monde…Vainqueur de la Coupe du monde 2005 avec le Gros Globe en poche…..Quelle victoire est selon vous la plus belle ?
Mon rêve n’a jamais été Olympique même si j’ai conscience de peut être choquer en disant cela. Néanmoins, les 2 médailles obtenues avec les filles m’ont remplies de joie et de soulagement aussi ! Je ne connais pas d’histoire d’amour avec les jeux à vrai dire. Ce fut les moments les plus noirs de ma carrière jusqu’aux épreuves de relais.
Par contre, ce qui m’a poussé toutes ces années à me dépasser, à progresser, c’était le rêve d’obtenir un jour le gros globe. C’est donc ma plus belle réussite. Je sais la difficulté de le jouer jusqu’au bout, quand l’enjeux ronge tes nuits alors que les autres « profitent » de la fin de saison. Que tu es seule face à toi même dans cet ultime combat qui va faire basculer ta carrière …. ou pas. Quand on voit Martin Fourcade accumuler les globes, on se dit que c’est facile mais à chaque fois, pour lui aussi, c’est un combat de longue haleine et je crois que l’on en prend la mesure aujourd’hui qu’il ne porte plus le maillot jaune de leader !
Avez-vous une anecdote rigolote à partager sur votre carrière ?
Sandrine Bailly : J’ai deux anecdotes qui peuvent être rigolotes… Quoi que l’une d’elles peut aussi interroger (rires).
La première anecdote, c’est un souci de couture sur la combinaison de l’équipe de France de l’époque. Les coutures étaient thermocollées et un jour, à Oberhof, alors que je m’apprêtais à chausser les skis, je voyais les gens rigoler dans mon dos … jusqu’à ce que je comprenne que j’avais un trou à l’arrière. Heureusement, il faisait froid ce jour-là et j’avais mis un collant fin sous la combinaison…J’ai quand même fait toute la course comme ça, tir couché et debout inclus !!
La seconde anecdote, encore à Oberhof, où le biathlon est roi depuis des années maintenant. Bref une fan m’interpelle pour me montrer un énorme tatouage sur son épaule avec ma signature et un dragon bleu blanc rouge gravé. J’ai eu un peu peur quand même… et j’espère qu’elle ne regrette pas trop son geste maintenant !
Entre aujourd’hui et les années 2000/2010, qu’est-ce qui a changé sur le biathlon ? En France mais aussi sur la planète biathlon ?
En France, le gros changement c’est l’ouverture au grand public avec la diffusion des épreuves en direct sur une chaine gratuite. Ca change la notoriété et les attentes du public à l’égard des sportifs.
Sur la planète biathlon en général : Le changement tient aux réseaux sociaux, assurant le lien quasi direct avec les fans, les médias, les sponsors….cela permet de montrer qui se cache derrière le bonnet et les lunettes (avant, on n’avait du mal à se débarrasser d’une étiquette collée sur nous en début de carrière). Il est plus facile aussi de transmettre l’actualité avec ses mots et son ressenti. C’est aussi à double tranchant car il faut parfois gérer la bêtise, la méchanceté et le jugement de certains. C’est aussi chronophage je pense et il faut être intelligent dans sa façon de faire, savoir garder son jardin secret et sa part de mystère.
Auparavant en coupe du Monde, notamment chez les filles, il y avait une grosse domination des équipes Allemandes, Russes et Norvégiennes. C’est moins le cas maintenant, on va plus avoir des individualités de chaque nation capable d’être devant.
Les camions de fartage, c’est aussi une grosse avancée en terme de santé au travail pour les techniciens et un gain de temps précieux.
De manière général, ce sport se professionnalise et se perfectionne chaque année mais pour un biathlète, le but est toujours le même : skier vite et tirer dans le noir. Simple quoi !
Pourquoi des champions en biathlon et si peu en fond spécial (ski nordique) à votre avis ?
Question difficile ! La rivalité en fond spécial est peut être plus dense. Les podiums sont trustés par les nations nordiques qui disposent d’une dizaine d’athlètes avec un fort niveau. En biathlon, il y a deux paramètres, le tir et le ski. C’est plus ouvert, il existe beaucoup d’épreuves (sprint-poursuite-individuelle-mass-start-relais simple-relais mixte). On a plus d’occasions de briller.
Mais le tableau n’est pas sombre puisque il y a aussi beaucoup de podiums en fond, aux JO de Pyeongchang par exemple, ou encore à Davos il y a peu. Les barrières psychologiques sont tombées depuis qu’un certain Vincent Vittoz à montré la voie en gagnant !
Comment gérer son après carrière de sportive de haut niveau ?
Mon arrêt de carrière était muri et réfléchi. Au début, j’étais hyperactive, avec plein de projets. Je m’étais engagée dans Annecy 2018, j’étais consultante tous les week-end sur Eurosport et dans l’émission fraîchement créé « hors piste ». J’intervenais dans des entreprises avec de jeunes recrues pour un partage d’expérience, j’ai ouvert un magasin de sport Odlo à Pontarlier. Nous avons construit notre maison et fondé une famille…
Quand je fus enceinte de ma 2ème fille, j’ai ressenti le besoin de me recentrer et de calmer le jeu.
Ma priorité, c’est ma famille, mes filles et désormais, je privilégie les projets qui me laissent du temps pour vivre aussi ma vie de famille.
A ce sujet, quand on est la fille de Sandrine Bailly, a-t-on le droit de faire de la danse (rires) ?
Oh ouii. On a surtout le droit de s’amuser. Ma grande fait de la gym, elle s’éclate, surtout quand le gala est artistique ! Elle fait aussi du ski de fond au club de l’ASOP mais pas du tout dans une dynamique de compétition, elle se moque pas mal de ça pour l’instant.
Quand à la petite qui aime bouger son popotin, elle essaiera la danse à la rentrée prochaine.
Ma seule volonté est que mes filles soient bien dans leurs pompes, qu’elles se sentent bien à faire partie d’un ou de plusieurs groupes, qu’elles apprennent l’effort et la récompense.
A chaque individu son chemin, celui de leur mère a été le biathlon à un moment, il n’y a pas d’obligation de le suivre mais une grande obligation de trouver sa propre voie !!!
Tu travailles comme consultante aujourd’hui… Nous débutons cet hiver un nouveau modèle de communication grâce à Nicolas Termier, avec des amateurs de biathlon qui interrogent des anciens champions, des champions en activité, des techniciens…Qu’en penses-tu ? Y a-t-il des sujets tabous ?
Non, il n’y a pas de sujets taboos. On peut parler librement de tout, dopage y compris … J’aime le projet de Nicolas car les personnes qui réalisent les interviews sont des passionnés de biathlon et posent les questions qui ne sont pas traitées habituellement. Si on prend le sujet du manque de moyen dans le ski en France par exemple, qui est un sujet fréquemment abordé, l’interview de Grégoire Deschamps ou de Sieg (Siegfried Mazet) est vraiment intéressante. Siegfried explique parfaitement les différences entre le modèle Norvégiens par exemple et le modèle français. Et nous n’avons pas à les envier je trouve. Et comme le dit Grégoire, le camion de fartage de l’équipe de France est le plus gros et le plus abouti de toutes les nations. On nous envie ce camion. Alors il est vrai que les moyens ne sont pas démesurés, mais ils nous permettent d’être dans le coup.
Mais Martin a dit en début de saison que les moyens n’étaient pas suffisants, que les conditions de travail en équipe de France de biathlon n’étaient pas satisfaisantes…Le coach de tir de l’équipe masculine (Patrick Favre) a dû aller acheter des pâtes en Italie par exemple, les budgets sont très restreints pour organiser des stages…Qu’en penses-tu ?
Sur la question de l’alimentation, je partage le point de vue de Martin. La diététique est à revoir et les moyens manquent. Idem pour les soins. Il manque des kinés par exemple… Mais pour le reste, on n’est pas à plaindre. Je pense que nous ne sommes pas obligés d’aller loin pour faire des stages de qualité. Nous avons en France les infrastructures pour travailler l’été et l’automne et préparer convenablement l’hiver.
Interview réalisée grâce aux questions des supporters de biathlon, issues des réseaux sociaux. Propos recueillis par Guillaume TROLONG-BAILLY
Retrouvez toute l’actualité de Sandrine Bailly sur son site : http://www.sandrinebailly.com
Photos avec l’aimable autorisation de Sandrine Bailly