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Interview Anaïs Bescond
Pilier de l’équipe de France féminine de biathlon, Anaïs Bescond a accepté de répondre à quelques questions. Au lendemain de ses succès aux Championnats de France de biathlon d’été et avec en ligne de mire les prochains jeux olympiques de Pyeongchang découvrez une biathlète simple et chaleureuse.
Altitude Biathlon : Comment étant native du Calvados, on en vient à porter une carabine dans le dos et devenir un pilier de l’équipe de France de biathlon ?
Anaïs Bescond : Et bien on suit sa famille qui est sportive et on suit ses rêves.
Est-ce un rêve qui est né depuis ta région natale ?
Non, très jeune j’ai suivi mes parents dans le Jura. Ils m’ont mise au sport parce que l’on est une famille de sportifs. Puis par la suite dans mon village à Morbier il y a un champion et pas des moindres en la personne de Patrice Bailly Salins* qui rentrait au village avec des médailles *. « Je me suis dit et bien moi plus tard j’veux faire comme lui ». Mais comme disent mes parents, personne ne savait si ce que je voulais dire c’était faire des médailles ou faire du biathlon (rires).
Le biathlon était à l’époque une curiosité et j’ai suivi le « mouv ». C’est ce que j’ai voulu faire et c’est ce que je fais.
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ce sport ?
C’est justement cette dualité et la complexité d’allier 2 sports assez antagonistes. À la fois le ski où tu te mets à fond et où tu pousses pour tout donner et puis le tir où tu te calmes et tu t’apaises pour viser juste.
Quelle est la discipline où tu te retrouves le mieux ?
Ça dépend des jours ! (rires) il y a des jours où c’est plus simple de pousser et il y a des jours où c’est plus simple de se concentrer derrière la cara.
Si tu n’avais pas fait ce sport quelle sportive serais-tu devenue?
(réfléchis) N’importe quoi ! Tant que je faisais du sport ça allait. J’ai jamais été sport de raquette, ni trop sport co. Petite j’ai fais de la gym et de la natation, j’ai fais du hand… j’aurais bien trouvé quelque chose pour me défouler.
Tu sors tout juste des Championnats de France de biathlon et ski de fond d’été, il y a un mois, auréolée de 4 titres. Considérons que tu es la championne d’automne, quelles sensations éprouves-tu à l’heure actuelle ?
C’est un mélange de sérénité et de doute. Je me dis que la préparation s’est bien passée, je peux continuer avec confiance et à la fois quand même ressentir comme une sorte de pression car cela ne m’est jamais arrivée d’être aussi bien en automne ou en tout cas d’être mieux que les autres filles. On est toujours un peu plein de doutes, se dire pourvu que cela dure, pourvu que je n’aie pas fait une erreur pourvu que ci pourvu que ça.
Tant que le dossard n’est pas sur le dos et que l’on n’a pas fait une coupe du monde pour voir où l’on se situe par rapport aux biathlètes étrangères, c’est un peu difficile de savoir.
Est-ce que pour débuter ta saison, tu vas t’appuyer mentalement sur cette belle réussite ou bien davantage compter sur des sensations plus profondes nées au fur et à mesure de ta préparation estivale ?
Je ne vais pas chercher midi à quatorze heures, je vais m’appuyer là-dessus c’est clair. Je vais prendre ce qui est bon à prendre sur ce week-end dernier et celui d’il y a un mois. Les sensations sont bonnes et puis le travail paye.
Quel est le prochain objectif où tout peut se mettre en place réellement dans le but de réaliser une saison d’enfer ?
C’est dans un peu moins d’un mois maintenant. A l’issue de 2 semaines de prépa à Sjusjøen en Norvège où l’on part pour skier. C’est à ce moment-là que l’on va prendre part à des courses nationales norvégiennes où d’autres nations qui sont là aussi pour l’entraînement seront présentes. En général il y a un beau plateau avec les italiennes, les ukrainiennes, … cela va donner le ton et nous mettre tout de suite dans l’ambiance de coupe du monde.
Si l’on revient un peu au début de ta carrière, est ce qu’il y a un ou une biathlète qui t’a le plus inspirée ou qui t’inspire encore aujourd’hui ?
Il y en a eu plusieurs qui ont marqué mon parcours. Dans un premier temps Patrice Bailly Salins qui m‘a donnée l’envie, même si à l’époque je ne regardais pas vraiment les courses de biathlon, donc on ne peut pas dire qu’il m’ait inspirée. Il y a eu surtout Florence Baverel qui m’a inspirée car je m’identifie un peu à elle. Ensuite en plus proche il y a Marie-Laure Brunet qui me fournit encore des billes régulièrement qui me donne de l’inspiration, je prends des idées de ce qu’elle faisait et j’essaye de l’imiter un peu. Et forcément maintenant c’est Martin Fourcade qui réussit tout ce qu’il fait, même si ce n’est pas le cas le week-end dernier (rires).
Ensuite vraiment proche c’est Marie Dorin mais c’est mon amie avant tout, ce n’est pas que l’athlète qui me booste, c’est sa personnalité en général et ce que l’on partage depuis des années en sport.
On peut retrouver des similitudes techniques et entre toi et Florence Baverel mais aussi sur le plan de la morphologie et votre précision au tir, c’est un exemple qui te ressemble un peu aussi ?
Oui sur le plan de la morphologie nous sommes déjà proches. Je pense qu’elle a eu à gérer des problèmes de poids comme j’ai pu le rencontrer. C’était une très bonne tireuse, mais peut-être pas la meilleure skieuse du circuit. C’était mon cas quand j’étais dans mes années junior, j’avais de très bonnes stats en tir, ce qui ne s’est pas vu quand je suis montée en coupe du monde car j’ai rencontré pas mal de difficultés. Ce sont des similitudes qui font que l’on s’identifie à une athlète plus qu’une autre et puis elle a gagné le titre olympique à Turin et ça cela m’a transportée, j’étais sur mon canapé ce jour-là et j’étais très heureuse pour elle. Ça a clairement marqué ma jeunesse.
Tu parlais de Marie-Laure Brunet qui te tuyaute mentalement est-ce que tu fais de la préparation mentale de façon assidue ?
Oui forcément parce que le biathlon s’y prête beaucoup. Il se passe beaucoup de choses dans la tête pour la réussite au tir. Je fais une sorte de préparation mentale mais plutôt quelque chose de simple et naturel dans mon coin.
Concrètement cela consiste en quoi ?
De la visualisation. C’est aussi des conseils glanés à droite à gauche qui t’aide à mieux verbaliser certaines choses.
Sur le plan diététique est-ce que tu as une méthode Anaïs, manger pour gagner ?
Je suis très gourmande. Je mange de tout et j’essaye juste de me limiter à ne pas manger trop de certaines choses. Encore une fois je fais les choses assez simplement, je ne calcule pas, je ne pèse pas, je tâche d’avoir une alimentation équilibrée et modérée.
Te bases-tu sur tes propres connaissances pour cela ?
J’ai rencontré des tas de diététiciens et pris ce qui m’intéressait c’est tout
Quelle est la meilleure occupation pour te ressourcer ?
Je me nourris beaucoup de mes amis, de mes proches, de ma famille. J’ai besoin de contacts extérieurs, je ne suis pas quelqu’un de très individualiste. J’ai besoin de monde, c’est quelque chose qui me ressource beaucoup. Ensuite j’aime la nature et j’ai envie de dire que pratiquer un sport de plein air où je m’entraîne constamment dehors participe à me ressourcer même si cela fait partie de l’entraînement quand même.
Sinon mon hobby c’est la cuisine et comme j’aime les gens, j’aime cuisiner pour les gens.
As-tu une spécialité culinaire ?
Des choses simples. Si je veux faire ma fayotte je vais dire que je cuisine la saucisse de Morteau (rires) sinon c’est des lentilles à la saucisse de Morteau
Avec plus de 200 jours de stage d’entraînement, cotoyez-vous souvent les garçons?
On est tout le temps avec les gars hormis dans les chambre (rires). Je dis ça parce que pas mal de gens s’imaginent qu’on est tous en couple en biathlon.
Il y a bien une scission entre les 2 équipes bien que l’on soit partout ensemble. D’abord parce que notre staff technique, les bus, les kinés sont communs. C’est beaucoup plus simple d’organiser un stage commun et puis je trouve ça hyper bien aussi de se nourrir des uns des autres. Il y a une osmose de groupe, un esprit d’équipe à conserver. On est une des seules disciplines avec un relais mixte et cela n’aurait aucun sens d’avoir des prétentions de performance si on ne se voyait pas de l’année. Pour moi l‘équipe de France c’est pas les hommes d’un côté et les femmes de l’autre, c’est tous ensemble.
Qu’est ce que cela change ou apporte quand vous partagez l’entraînement avec les garçons ?
Il y a rarement que les filles ensemble. Quand je rentre à la maison, je croise Simon FOURCADE, Simon DESTHIEUX, Célia AYMONIER, Quentin FILLON MAILLET, Fabien CLAUDE. Forcément on se regarde à l’entraînement, on relève quand les gars font les choses bien. Parfois les coachs organisent des défis interposés en mettant en confrontation les deux équipes et là on a à cœur de battre les garçons mais ce n’est pas que ça le centre d’intérêt.
Si tu devais en un adjectif décrire chacune de tes teamate?
Ça c’est hyper dur !! Je dirais …
Enora Latuillière : pétillante
Marie (DORIN-HABERT) : amitié
Justine (BRAISAZ) et Anaïs (CHEVALIER) : individualistes et travailleuses
Célia AYMONIER : ouverte sur les autres
Et inversement qu’est-ce que les autres diraient de toi à ton avis?
Que je suis super et elles auraient raison !! (éclat de rire) Non je plaisante, j’essaye simplement d’apporter ma pierre à l’édifice. Comme j’ai plutôt un caractère de cochon, je suis quelqu’un d’entier et qui va dire ce qu’il pense mais je sais aussi rendre quand je suis heureuse.
Le mieux c’est encore de leur demander
Est-ce qu’il y aurait une question que tu aimerais que l’on te pose ?
Est-ce que je suis heureuse ?
et la réponse serait ?
Et oui je le suis parce que le sport c’est vraiment des belles valeurs à partager et j’ai envie de donner le goût de ces valeurs-là à toute une génération de jeunes qui parfois semble un peu perdue. Leur dire que le sport c’est quelque chose qui peut épanouir quelqu’un.
Tu as été la marraine d’un raid aventure le Vir’KingRaid au Bény-Bocage au printemps dernier dans ton Calvados natal, est-ce que tu envisages de prendre le départ de la prochaine édition au printemps prochain ?J’aimerais bien si le planning me le permet. J’ai beaucoup apprécié aller là-bas et encore une fois si cela peut apporter un petit plus à la promotion du sport ce sera avec plaisir et puis c’est aussi mon chez moi là-bas et si je peux découvrir la région que finalement je connais peu alors je viendrais au départ avec des amies .
Les Jeux se profilent, c’est une saison spéciale qui se arrive ?
Oui j’y pense depuis la fin de la saison dernière déjà. J’ai pas envie non plus de me pourrir la tête avec toutes sortes d’émotions et de pression supplémentaire. Mais c’est un rêve, c’est quelque chose que j’ai en tête le matin quand je me lève et le soir quand je me couche mais je ne me laisse pas non plus envahir par ça parce que j’ai aussi envie de vivre à côté
Jamais de rêve olympique entre le soir au coucher et le matin au lever ?
NON ! Quand on se rapprochera de Pyeongchang peut-être, mais avant tout il faudra que je fasse de bonnes performances pour gagner ma sélection, ce qui n’est pas encore le cas. On ne sait toujours pas qui sera sélectionné.
Merci Anaïs pour ce moment de convivialité et bonne saison olympique
*Patrice Bailly-Salins (champion du monde de sprint en 1995 et vainqueur du classement général de la coupe du monde de biathlon en 1994)
Site internet d’Anaïs Bescond : http://www.anaisbescond.com
>>>Lire L’interview de Siegfried Mazet
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Crédit photos avec l’aimable autorisation d’Anaïs Bescond